Dès que nous croisons un caméléon, nous avons plaisir à l’observer. Pourtant, j’ai constaté depuis un moment déjà que les malgaches n’ont pas une grande affection pour lui. Il y en a à l’école et lorsque nous en croisons un, il n’est pas rare que j’entende un élève dire : »J’aime pas les caméléons, ça porte malheur! ». Un guide rencontré à Ambanja durant notre dernière escapade à éclairé ma lanterne. Voici la légende du caméléon qu’il nous a raconté, rédigée d’après mes souvenirs.
Il y a très longtemps, personne ne travaillait, ni les hommes, ni les femmes. Lorsque les hommes avaient besoin de quelque chose, ils l’écrivaient sur une liste. Puis, ils la donnaient au caméléon qui l’apportait au Dieu. Les hommes recevaient alors de Dieu, ce dont ils avaient besoin.
Mais un jour, le caméléon but plus que de raison, au point de devenir ivre pendant des semaines et des mois. Il cessa donc de faire son travail. Les hommes écrivaient des listes mais personne ne les apportait au Dieu. La vie devint très difficile pour eux.
Plus tard, après plusieurs mois, le caméléon commença a être guéri. Il n’avait pas retrouvé toutes ses facultés, ne marchait pas encore très droit, n’avait pas encore les idées très claires. Pourtant, il revint vers les hommes et prit toutes les listes qui étaient prêtes.
Cependant, à cause de son état, encore instable, il en perdit certaines, se trompa dans l’ordre d’importance, multiplia les erreurs. Le Dieu entra dans une grande colère et maudit le caméléon : « Regarde ce que l’alcool a fait de toi ! Tu n’es plus capable de marcher droit, de réfléchir et de faire ton travail convenablement ! Tu n’as plus le droit de revenir vers moi, les hommes se débrouilleront sans toi. Et pour te punir de ton ivrognerie et ton inconstance, tu seras maudit ! A partir d’aujourd’hui, tu resteras comme tu es maintenant. »
Depuis ce jour, le caméléon se déplace toujours d’une démarche vacillante qui lui donne l’air instable et saoul. Ses yeux mobiles sont la trace de l’alcool qui rend le regard incertain.
Condamné à vivre sur terre, il se retrouva au milieu des hommes en colère bien décidés à le tuer pour se venger de toutes les désagréments qu’il leur avait causés. Mais le Dieu s’interposa et dit aux hommes : « Caméléon est déjà maudit. Si vous le tuez, vous serez touchés de la même malédiction que lui ».
Désormais, et encore aujourd’hui, le caméléon est un animal « mal-aimé » à Madagascar. En voir un sur le toit de sa maison est annonciateur de malheur. Et si un conducteur aperçoit un caméléon sur la route, il essaiera, le plus souvent, de le contourner, au risque de faire un écart, plutôt que de l’écraser. Car tuer un caméléon est « fady », la légende est restée bien vivante …