Sur la pointe des pieds

Les tsingys sont une spécificité géologique du paysage malgache. Il en existe ailleurs dans le monde, Madagascar n’en a pas l’exclusivité. Cependant, leur nom est un mot d’origine sakalava, dérivé de mitsingitsingy qui signifie « marcher sur la pointe des pieds ». En effet, les massifs de tsingys se présentent toujours sous formes de pics ou d’aiguilles.

Plusieurs phénomènes consécutifs sont à l’origine des massifs de tsingys.

D’abord, ils sont constitués de couches sédimentaires marines de l’époque du jurassique antérieur. Des fossiles de coraux et de coquillages sont visibles. L’arrêt de la sédimentation a créé des failles horizontales. Plus tard, la tectonique des plaques a fait émerger les roches sédimentaires de ces plateaux. Enfin, l’érosion sculpte les massifs et les rend tranchants. Il y a deux types d’érosion. La pluie crée une érosion chimique verticale qui creuse de profondes crevasses et failles. Les coulées d’eau entraînent une érosion mécanique horizontale qui est à l’origine de grottes plus ou moins vastes et de galeries qui peuvent être très étroites.

Au cœur de ces massifs pousse une végétation de lianes et d’arbres immenses. Ils prennent racine au pied du massif puis cherchent la lumière à travers les failles, parfois jusqu’à 40m de hauteur.

A Madagascar, il existe 3 massifs de « vrais » tsingys, mais d’autres lieux sont également désignés sous ce terme.

Les plus connus sont les tsingys de Bemaraha, à l’ouest, c’est un site très visité du pays. Lors de notre séjour en avril avec nos vahinys des vacances de Pâques, nous n’avons pas subi de surpopulation touristique mais apparemment, en juillet et août, les tsingys sont très fréquentés. Nous sommes restés sur place deux jours, ce qui nous a permis de faire 3 parcours différents au sein du massif.

Le premier jour, nous avons parcouru les 4km du circuit Andamozaka dans les grands tsingys. Nous avons d’abord traversé une savane puis une forêt avant d’entrer dans un labyrinthe de failles verticales où la lumière peine à entrer. Vient ensuite l’ascension vers le belvédère et ses arêtes saillantes puis les ponts suspendus qui nous permettent de nous déplacer sur le toit des tsingys. Pour terminer, nous sommes redescendus par des failles plus larges qui forment des cathédrales à ciel ouvert. Dans le dernier passage de forêt nous avons croisé quelques sifakas couronnés. La faune endémique est importante dans les tsingys mais semblait au repos lors de notre passage.

Les tsingys de Bemahara sont sacrés car les premiers habitants de Madagascar, les vazimbas, y ont installé des tombeaux. La population malgache est issue de nombreuses vagues d’immigrations successives, de régions du monde variées. Quelles que soient leurs tribus d’origine, les vazimbas sont considérés comme les ancêtres communs à tous les malgaches. Tous leurs descendants se doivent donc de respecter le caractère sacré des lieux et pour cela, il convient de ne rien montrer du doigt. C’est fady.

Le deuxième jour, nous avons remonté la rivière Manambolo, visité des grottes puis nous avons démarré l’ascension vers le toit d’un plateau de petits tsingys. A l’arrivée, une vue époustouflante sur la rivière et les environs fut une belle récompense.

Au nord du pays, le massif de l’Ankarana se trouve à une centaine de kilomètres, au sud de Diego Suarez. Moins étendu que celui du sud, le plateau est plus facile d’accès, il s’aperçoit même de la route qui relie Ambilobe et Diego. La forêt qui les borde abrite des lémuriens nocturnes et diurnes, mais aussi des fosas. Nous les avons seulement entendus se déplacer dans la forêt au crépuscule mais ils sont très difficiles à observer car très discrets. Les fosas sont les plus grands mammifères carnivores de l’île. Prédateurs des makis, ce sont, apparemment, des cousins des félins. Mesurant moins d’un mètre et dotés d’une longue queue.

Les tsingys de l’Ankarana furent le refuge de la tribu Antakarana fuyant la domination Merina et sont, pour cette raison, un lieu sacré. Des grottes, des canyons, des ponts suspendus, des arbres prenant racine très profondément dans les crevasses, un réseau de rivières souterraines qui convergent dans un immense gouffre qui forme un siphon à la saison des pluies … tant de belles découvertes à faire.

Le troisième massif, les tsingys de Namoroka se trouve à environ 200 km au sud de Mahajanga. Il est plus petit, inaccessible en saison des pluies et très peu visité. Nous n’y sommes pas encore allés mais JC, un vahiny de mai dernier nous en a rapporté quelques images (et je le remercie de me laisser publier ses photos). Envahi par la végétation qui pousse pendant la saison des pluies, le massif n’était pas visible en entier et il était presque impossible de s’en approcher très près et d’y pénétrer. Un vrai parcours d’aventurier qui nécessite de bivouaquer et de vivre en autonomie pendant quelques jours, mais aussi d’avancer à la machette pour se frayer un passage. A la clé, il est possible de voir des rivières limpides et des grottes secrètes. De nombreuses espèces endémiques d’oiseaux y vivent. C’est un lieu encore inédit et préservé qui justifie sans aucun doute le voyage lent et périlleux pour s’y rendre.

Au nord, un autre site est appelé « tsingys rouges » mais sa géologie est très différentes et ne justifie pas vraiment cette appellation. Constitués de latérite rouge sculptée par l’érosion, le point commun avec les tsingys gris est la verticalité. Malgré son nom inapproprié, ce vaste site de canyons dont les teintes varient de l’ocre au crème mérite qu’on s’y arrête.

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