Cyclones à Madagascar : notre expérience de la saison des pluies

Un crocodile dans la piscine

Décembre 2019 et janvier 2020 sont marqués par une saison des pluies intense. Un cyclone a touché la région de Mahajanga en décembre. Puis les fêtes de Noël se sont déroulées sous les pluies incessantes pendant près d’une semaine. Et aujourd’hui une tempête tropicale souffle fort et arrose la région. Début janvier, c’est à Antananarivo que les pluies se sont montrées rudes.

Au bord de la mer, cyclone ou tempête modifient la physionomie de la plage selon l’intensité des vagues, des marées et de la pluie.

Les pêcheurs remontent leurs bateaux pour éviter les dommages mais les paillotes ne résistent pas toujours.

Ces épisodes longs causent beaucoup de dégâts, toujours pour les populations déjà les plus démunies. En effet, les systèmes d’évacuation des eaux sont souvent vétustes et défectueux, lorsqu’ils existent. Peu de canalisations et d’égouts enterrés ici, mais des canaux qui passent sous les trottoirs, cachés par des plaques de béton. Parfois, ils longent les rues et délimitent certains quartiers. Lorsqu’il pleut, l’eau monte dans ces canaux.

Pour ce qui est des déchets, nous voyons du progrès dans le ramassage depuis notre arrivée il y a un peu plus de 2 ans. A Mahajanga, de nombreuses bennes sont installées, là où les ordures étaient jetées en « décharge sauvage » auparavant. Elle ne sont malheureusement pas vidées assez régulièrement et absentes dans de nombreux quartiers. Dans ce cas, les déchets sont souvent jetés dans les canaux cités plus hauts. Cela pose plusieurs problèmes, notamment celui de l’évacuation finale de ces déchets…. Le plus souvent, ils terminent dans la mer. Mais avant cela, ils bouchent aussi les canaux en s’entassant.

Lorsque l’eau monte, à cause des fortes pluies, elle ne peut pas s’écouler correctement, notamment à cause des déchets, et des quartiers entiers sont inondés. Souvent les « bas quartiers » comme on les appelle ici. « Bas » à la fois par leur position géographique, par la hauteur de leurs constructions mais aussi par le niveau de vie de leurs populations. Les habitats sont souvent précaires, mêlant tôle de récupération, planches de bois et cloisons végétales. Pas très étanches. A Mahajanga, ces quartiers sont situés près du vallon Metzinger. C’est une déclivité naturelle qui termine dans l’estuaire de la Betsiboka. Des canaux secondaires ont été creusés pour évacuer les eaux de pluies vers l’estuaire, via le vallon. Mais avec l’encombrement des canaux et les nombreuses constructions, situées en bordure, cette zone est sujette aux inondations. Entre la période des fêtes et aujourd’hui j’ai pu voir plusieurs opérations de curage de ces canaux dans 3 quartiers différents. Mais il semble que ce ne soit pas suffisant pour éviter à ceux qui y vivent, d’être inondés.

Cette montée des eaux n’est pas limitée aux villes évidemment. Tous les cours d’eau qui sèchent petit à petit de mai à septembre, reviennent « en eau » avec la saison des pluies. Jusqu’à devenir parfois des torrents, des fleuves tumultueux, avec un courant puissant. Et là ce sont les infrastructures routières, vétustes, peu entretenues ou construites à l’économie qui en pâtissent. Chaque année, certaines portions de routes jusque là épargnées et roulantes, s’ajoutent à la liste des zones mauvaises et accidentées suite à la saison des pluies qui les a endommagées.

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Voilà encore des points que les dirigeants du pays devraient prendre à bras le corps mais qui ne seront pas résolus en un jour …

Et pour un texte sur les inondations, pourquoi ce titre ?

J’y viens, j’y viens … A Madagascar, lorsqu’on visite des parcs ou réserves naturelles, les guides disent presque toujours : « A Madagascar, il n’y a pas d’animaux dangereux. Le plus grand prédateur, c’est le fosa. » Endémique de Madagascar, le fosa est un petit félin. Un genre de petit puma, de moins d’1 mètre et pesant moins de 10kg. Carnivore certes, mais pas très impressionnant. D’autant plus qu’il vit caché et que rares sont les chanceux à avoir pur l’apercevoir.

Mais les malgaches oublient-ils qu’il y a des crocodiles sur leur île ? Carnivores, pouvant peser jusqu’à 1 tonne et mesurer 5 mètres. Présents dans presque tous les lacs, rivières, zones marécageuses et lagunes de l’île… Et il y en a beaucoup ! Beaucoup plus impressionnants que les fosas, et beaucoup plus dangereux aussi ! D’après moi, au moins …

Peut-être les malgaches ne le citent pas comme animal dangereux parce qu’il est sacré ? Il est pour eux lié au culte des ancêtres, dans un certain nombre d’ethnies au moins. Une sorte de réincarnation. De nombreuses légendes m’ont été racontées. Au lac Ravelobe, dans le parc d’Ankarafantsika, il est interdit de pêcher et de se baigner car c’est le lieu de vie de nombreux crocodiles. Les crocodiles auraient fait leur apparition dans le lac après que le roi sakalava Ravelobe et quelques uns de ses soldats se soient suicidés dans le lac pour échapper aux colons français. Les habitant viennent toutefois y chercher de l’eau.

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A Anivorano, à 70 km au sud Diego Suarez, se trouve un lac sacré. Chaque année, des cérémonies ont lieu avec des offrandes pour les crocodiles. La légende que j’ai entendu le plus souvent sur ce lac est la suivante…

Un jour, une vieille femme harassée et assoiffée par un long voyage demanda de l’eau aux habitants du village. Mais tous refusèrent. (C’est impensable à Madagascar, mais c’est un autre débat …). Seul un homme lui offrit de quoi se désaltérer. Après s’être reposée un moment, elle ordonna à l’homme de fuir très loin de son village. Elle fut si convaincante, qu’il obéit. La vieille femme quitta à son tour les lieux en maudissant ce village et ses habitants égoïstes pour qui l’eau était si précieuse. Elle le maudit si bien, qu’il se mit à pleuvoir tant que le village fut englouti et les habitants transformés en crocodiles. Aujourd’hui encore, il paraît que l’on peut voir que les crocodiles portent des bracelets, preuve qu’ils étaient humains par le passé.

Voilà les légendes, mais on entend aussi des histoires affreuses d’accidents causés par les crocodiles. Bref, cet animal peut-être dangereux et je ne l’oublie pas.

Oui mais quel rapport avec les inondations ?

Et bien, lorsque les eaux montent, elle s’engouffrent dans les abris creusés par les crocodiles sur les berges et les emportent. Lorsque le courant est fort, ceux-ci ne peuvent le remonter et se laissent emporter. Pour parfois reparaître dans les fameux canaux que je citais plus haut … Et parfois encore, en sortir pour prendre l’air.

https://lexpress.mg/24/01/2018/mahajanga-des-crocodiles-sinstallent-en-pleine-ville/

Outre cet article de journal, un ami m’a raconté l’anecdote suivante l’année dernière… Après un épisode de pluie, le temps était redevenu clément et il observait, par la fenêtre, sa piscine dans le bas de son jardin. Sur le bord, il voyait une masse sombre. Sans doute une branche, tombée d’un arbre suite à l’épisode météorologique qui venait de s’achever … Mais un moment plus tard, la branche n’était plus au même endroit, un encore un peu plus tard, elle était à moitié dans l’eau. Une fois ses lunettes chaussées, il s’aperçut qu’il ne s’agissait point d’une branche mais bien d’un jeune crocodile qui était sans doute sorti d’un marécage voisin pour échapper aux dents du mâle dominant, maître des lieux. (Oui, les crocodiles se mangent entre eux… Du moins, les mâles dominants chassent-ils ainsi les jeunes, qui ont plutôt intérêt à trouver un lieu encore inhabité si ils veulent grandir.) Le jeune crocodile est resté environ 3 jours dans ce jardin puis est parti élire domicile ailleurs.

Alors, aujourd’hui, à l’heure où la pluie se calme, où le niveau d’eau semble redescendre dans le centre ville, où sortir de la maison pour aller travailler et faire des courses semble de nouveau envisageable … j’espère que je ne croiserai pas un crocodile à la sortie du marché !

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Dans cet article, la plupart des photos ne sont pas de moi.

Crédits : Tantely Vandriam – News Mada –

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