Tourisme à Katsepy

Au mois de novembre, je me suis chargée d’organiser un week-end à Katsepy pour l’Amicale de mon école. L’Amicale c’est une sorte d’association. Chaque membre du personnel cotise à la hauteur de ses revenus et nous organisons des fêtes ou des sorties. Le but est de partager des moments de convivialité. C’est toujours agréable car l’ambiance est détendue et la bonne humeur de mise !

Les collègues vazahas ont l’opportunité de beaucoup voyager et découvrir Madagascar mais c’est beaucoup moins facile pour les collègues locaux. Partir en week-end tous ensemble était donc un défi, avant tout financier. Traversée en bateau aller-retour, hébergement pour une nuit, 4 repas …. Demander une participation différente pour les adultes et les enfants, les résidents et les locaux … L’Amicale pouvait prendre en charge une partie du coût mais pas la totalité. Le nombre de places était déterminé par la capacité des bateaux…. J’ai usé quelques neurones pour résoudre l’équation.

Mais finalement j’ai réussi. Au départ, le nombre de places était limité à 30, c’est à dire 2 bateaux de 15 personnes. Mais davantage de collègues souhaitaient participer à cette sortie familiale. Finalement nous étions 47. Ce n’est pas un multiple de 15 mais à Madagascar il y a toujours une marge quand il s’agit d’embarquer des passagers dans un véhicule !

Je ne sais pas quel est le plus bel exploit de l’organisation de cette sortie  … Est-ce d’être parvenue à ce que chaque participant inscrit règle son dû la veille du départ au plus tard ? Ou bien que nous soyons partis à l’heure prévue ?

Certains collègues ayant grandi à Majunga, n’avaient jamais traversé la baie. Emprunter une vedette privée pour ce déplacement était un événement en soi, accompagné d’un peu d’appréhension car tout le monde n’a pas le pied marin.

 

Nous sommes partis chargés de notre matériel de camping et de quelques provisions dans une bonne humeur communicative. L’ambiance était à la rigolade, c’était vraiment plaisant. Nous devions dormir au pied du phare de Katsepy mais la mer est agitée à cet endroit donc nous avons débarqué sur une plage, assez loin de notre point de chute. Il a donc fallu acheminer tout notre chargement à pied. Nous formions une grande file, comme une colonie de vacances en balade. 

Une fois arrivés, nous nous sommes installés et avons pris possession des lieux. Chacun avait un modèle d’abri différent. Certains la tente « 2 secondes » qu’une seule personne peut mettre en place. D’autres, la tente « 2 heures » nécessitant la participation de 5 personnes au moins. D’autres encore avaient emporté une simple moustiquaire, pourquoi se compliquer la vie ?

Vint ensuite l’heure du pique-nique, dans le partage et la bonne humeur, encore !

Après une sieste et une baignade, nous sommes partis à l’assaut du phare. La montée n’est pas longue mais elle est raide et la chaleur était déjà bien présente en novembre. Sylvain, le gardien du phare, nous a emmené voir les lémuriens puis le baobab sacré puis nous avons gravi les marches jusqu’en haut du phare. Certains étaient impressionnés par la hauteur et d’autres craignaient le vertige. Mais la curiosité et l’envie de découvrir tous ensemble a mené tout le monde jusqu’au sommet.

Après tous ces efforts et émotions, nous sommes redescendus. Certains se sont baignés à nouveau, d’autres ont préféré poursuivre de façon plus festive en partageant l’apéritif. Il y avait du choix : punch, rhum, toka gasy (le rhum artisanal), bière, mais aussi sodas ou jus naturels fait maison. A la nuit tombée, un feu a été allumé sur la plage et certains ont veillé tard après avoir chanté et dansé.

Le dimanche matin, tout le monde était opérationnel pour marcher jusqu’au cirque bleu. Il faisait très chaud mais nous sommes repartis sur la plage. Une longue file de marcheurs, discutant, blaguant et des enfants qui grimpent, courent, sautent, ramassent des bâtons et des coquillages, tout autour. Nous étions nombreux et pourtant, seuls, dans ce paysage extraordinaire, chacun ressentait le privilège qui était le notre de partager ces moments et ces points de vue. Nous nous sentions en vacances et certains s’imaginaient prolonger le séjour, en rêve, bien sûr …

C’est après notre déjeuner que les choses se sont gâtées. J’ai reçu un appel du capitaine des navettes. Il m’a dit : « Nous ne pouvons pas venir vous chercher au phare, il y a trop de vagues. La police maritime nous interdit d’accoster là-bas, c’est trop dangereux. Nous pourrons venir vous chercher demain ». La tête de mes collègues quand ils m’ont entendue dire : « Demain ?!!! » J’ai manqué une belle photo. Un mélange de stupeur, d’incrédulité puis l’inquiétude …. Comment pourrait-il manquer la moitié de l’effectif du personnel de l’école un lundi matin ??? Oui, nous sommes des gens sérieux et consciencieux !

Il a fallu que je négocie au téléphone. Fermement. Le monsieur m’a dit : « Si vous allez jusqu’au village de Katsepy, nous pouvons venir vous chercher aujourd’hui ». Très bonne solution. Si on met de côté le fait que le village est à 8 kilomètres, qu’il faut compter 3 heures de marche, qu’il est midi et que le soleil plombe et que nous sommes plus que chargés. Impossible donc. J’ai répondu quelque chose comme : « Nous avons un accord, vous devez venir nous chercher au phare. Nous sommes 47, il y a des petits enfants,  nous ne pouvons pas aller au village à pieds. Vous devez trouver une solution pour que nous rentrions aujourd’hui. Nous devons tous être à notre travail demain matin. » Mes collègues me regardaient avec des yeux ronds et semblaient un peu paniqués. Certains avaient l’air dépassés par les événements. Cela dit, tout le monde était très calme. Les changements de programme sont fréquents ici et mes collègues malgaches y sont bien plus habitués que moi. Si on ajoute à cela la pudeur et le sourire qui est la réponse à toute émotion ressentie ici, c’est parce que j’ai un peu de pratique que j’arrive à percevoir qu’il y avait de l’inquiétude dans l’air. Finalement, ce qui les étonnait c’était peut-être la fermeté de ma réponse plutôt que notre hypothétique retour.

Quelques minutes plus tard, le monsieur m’a rappelé : « C’est bon, je vais venir vous chercher au village. J’arrive dans 1 heure. Vous devez être à 13h à l’embarcadère, je vous envoie une voiture. » Une voiture ? Pour 47 personnes. Pas une 4L j’espère ….

J’ai à peine eu le temps de transmettre l’information que tout le monde avait plié bagage. En 5 minutes, la place était nette, pas un sac n’a été oublié. Je n’ai rien eu besoin de répéter. Personne n’a commenté ou râlé. Tout le monde s’est mis en route. Jamais de ma vie je n’ai vu un groupe aussi réactif. Si seulement mettre une classe en activité ou en rang était aussi facile …

Nous avons  effectué une nouvelle fois l’ascension jusqu’au phare. En plein soleil et avec une chaleur étouffante mais là encore, personne ne s’est plaint. Tout le monde riait, et s’entraidait pour porter les sacs, les tentes, les matelas … Le monsieur m’a rappelé : « C’est bon, vous pouvez aller au phare. Quand vous serez arrivés, dites-le moi, et une voiture partira du village. » « Mais Monsieur, nous sommes déjà tous au phare ! »

Alors nous nous sommes assis et nous avons attendu la voiture. Suspens … Quelle voiture pour 47 personnes ? Dans combien de temps, surtout ? J’étais un peu sceptique. Mais pas mes collègues. Certains discutaient, d’autres ont fait la sieste. La bonne humeur et le calme étaient toujours de mise !

Quand nous avons vu un bus arriver au bout du chemin, un cri de joie collectif s’est élevé. Puis des rires. Et encore une fois le groupe s’est mis en mouvement seul et avec une rapidité confondante. En 5 minutes, tout le monde était dans ou sur le bus. Les bagages sur le toit. Et après 3 bosses et 2 virages, les enfants les plus petits dormaient déjà.

Arrivés au village, le déchargement s’est fait encore très vite et très calmement. J’ai réglé une partie de la somme due au capitaine, puis je me suis retournée vers le groupe. Il n’y avait plus personne. Tout le monde était déjà dans les bateaux. Impressionnant ! Je crois qu’ils craignaient vraiment de ne pas pouvoir rentrer. Mais personne n’a laissé paraître cette crainte. On ressentait toujours la joie, le calme, la mesure. Mais toujours les blagues fusent et le rire se diffuse.

Le lendemain tout le monde était encore ravi de son week-end. Moi la première. ce fut très agréable et dépaysant. Et drôle. Les péripéties de notre retour restent pour certains le meilleur souvenir du week-end à Katsepy. Et nous espérons tous pouvoir repartir ensemble ailleurs prochainement.

Une nouvelle équation à résoudre … Et un bon souvenir en vidéo.

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